Les communicantes et communicants contribuent à dessiner la société de demain. Ils racontent l’histoire collective et partagent des projets structurants, essentiels pour les entreprises et la société. Aujourd’hui, la communication ne consiste plus seulement à promouvoir une organisation et ses produits ou services, c’est contribuer à l’avènement d’une société plus en phase avec les limites croissantes de notre planète et remettre le sens au cœur des réflexions et des plans d’actions. Retour sur le Com’À Table organisé par le Club des communicants de Grenoble le 16 septembre dernier en présence des trois co-auteurs du « Guide de la communication responsable » publié en janvier 2020 par l’ADEME : Thierry LIBAERT (conseiller au Comité économique et social européen, Professeur des universités, expert en communication des organisations), Valérie MARTIN (cheffe du service Mobilisation Citoyenne et Médias de l’ADEME) et Mathieu JAHNICH (consultant-chercheur en communication responsable).
- La communication responsable, de quoi s’agit-il ?
- Les leviers de la communication responsable
- La communication pour répondre aux changements des modes de consommation
- Des contenus plus responsables
- Papier ou digital ?
- Les 4 grands champs d’action :
- Comment mettre en place une stratégie globale de communication responsable ?
La communication responsable, de quoi s’agit-il ?
La communication responsable s’appuie sur deux approches : celle fondée sur la bonne volonté, l’éthique et la déontologie ; et celle répondant à un caractère obligatoire et législatif.
Exemple de textes de loi :
- Circulaire européenne sur le rôle de la communication dans la transition écologique
- Loi du Parlement européen sur le rôle de la communication et de la publicité pour une consommation plus raisonnée et plus responsable
- Au niveau français, la loi PACTE avec la mise en place de la raison d’être dans les sociétés
- Loi Climat et résilience pour lutter contre le dérèglement climatique.
« La communication responsable n’est pas la communication sur la responsabilité, c’est la responsabilité du communicant face aux nouveaux grands enjeux de société. »
La communication responsable est une notion récente. Les bases de son questionnement ont été posées dans le rapport « Pub et transition » publié par la fondation de Nicolas Hulot en 2017. Puis en 2020, une série de rapports (« Big Corpo », « Pour une loi Évin Climat », « Publicité et Transition Écologique », etc.) ont approfondi le sujet. En 3 ans, le sujet s’est installé sur la scène médiatique, économique et politique. Les communicants ont donc tout intérêt à se préparer à une communication responsable afin d’avoir une longueur d’avance et anticiper le caractère de plus en plus contraignant des mesures liées à la transition écologique
Les leviers de la communication responsable
Pour favoriser une communication plus responsable, il est nécessaire d’agir vers deux directions complémentaires.
- Vers les consommatrices et consommateurs : d’après les derniers résultats du baromètre ADEME/GreenFlex de mai dernier, 72 % des Français se déclarent mobilisés en faveur d’une communication responsable et 70 % déclarent que les marques et distributeurs ont un rôle important sur les sujets de société et donc sur la transition écologique. Mais, en parallèle, le taux de confiance dans les marques et entreprises reste très faible (autour de 32 %).
Il y a donc une carte à jouer pour les marques en faveur d’une communication responsable. Un des critères d’achat étant la protection de l’environnement, il est nécessaire de renforcer l’information du consommateur, notamment via des labels.
- Vers les professionnelles et professionnels : il y a besoin de former les communicants, mais aussi de partager les bonnes pratiques. Les mentalités évoluent, la plupart des entreprises ont compris l’urgence et l’importance des enjeux sociétaux, ainsi que les risques qui pourraient en découler si elles ne les prennent pas en compte. Dans ce cadre, le rôle du communicant est primordial : il faut exploiter la puissance des outils de communication et marketing pour accompagner les changements de société.
La communication pour répondre aux changements des modes de consommation
Les Français se déclarent de plus en plus sensibles aux enjeux du développement durable, ils attendent des offres plus responsables et à moindre impact environnemental sur le marché. Il faut donc proposer du marketing alternatif, qui soit attrayant. Pour faire émerger ce type d’offres, cela passe par l’innovation ainsi que l’analyse et la réduction des impacts de fabrication, d’utilisation et de fin de vie des produits ou services.
La digitalisation peut contribuer de manière significative à la transition écologique. Toutefois, la fabrication des outils numériques, leur usage et le stockage des données ont un impact croissant sur l’environnement et la société.
Aujourd’hui, on est à un moment où il faut développer un contre-consumérisme non lié à la satisfaction de besoins, de proposer une autre vision de monde qui ne nous fasse plus percevoir la mesure de la croissance de la consommation comme si c’était la mesure de notre bonheur. Pour cela, il faut réinterroger nos besoins vers plus de sobriété.
La fonction communication doit donc évoluer vers une communication plus responsable : une communication plus sensible aux enjeux écologiques, davantage à l’écoute des habitants de notre planète, une communication qui s’interroge autant sur sa manière de délivrer ses messages qu’à leur contenu, une communication qui intègre également la notion d’urgence.
En tant qu’acteur majeur de la nécessaire transition vers ces modes vie plus durables et moins carbonés, le communicant peut s’appuyer sur les 4 piliers suivants :
- L’ouverture aux parties prenantes
- La pertinence et l’efficacité des actions
- La Logique d’évaluation et de réduction des impacts
- L’engagement sur les messages
Des contenus plus responsables
- Il est important d’éviter le greenwashing (utilisation abusive de l’argument écologique) et les stéréotypes, notamment de genres.
- Il faut travailler sur l’image des produits ou services à promouvoir : faire ressembler les pubs à la vraie vie des gens (valoriser les mobilités douces, présenter des produits alimentaires locaux et de saison, transmettre d’autres images que celle du bonheur par la consommation, prôner les valeurs de respect, de partage et d’échange)
- Il faut aussi se focaliser sur l’impact des actions de communication elles-mêmes. C’est ce qu’on appelle l’éco-socio responsabilité.
- Côté annonceur/client :
- Se poser la question de la pertinence de l’action : est-elle utile ? Peut-on repenser l’action en fonction des objectifs ?
- Intégrer des critères RSE dans le choix des partenaires
- Anticiper les délais pour activer certains leviers
- Côté client :
- Opter pour une approche « cycle de vie », identifier les phases les plus impactantes
- Challenger le client, proposer différentes options et ne pas hésiter à aller au-delà du brief
- Définir un plan d’actions
Papier ou digital ?
Il n’y a pas de solution miracle. Toute action ou tout support aura des impacts environnementaux.
Le numérique, c’est 4 % des émissions de gaz à effet de serre, soit autant que l’aviation civile avant Covid, et la tendance risque de fortement augmenter dans les années qui viennent. Il convient donc se questionner sur la pertinence du support :
- Document à vie longue qui nécessite d’être manipulé format print
- Document à vie courte ne nécessitant pas d’être conservé format numérique
Évidemment, il est possible de coupler les 2 formats.
Exemple dans un salon ou congrès : distribuer une version synthétique (document print) comprenant un flash code renvoyant vers un document numérique plus complet.
À noter : Le papier n’a pas forcément un plus fort impact environnemental qu’un format numérique. À titre d’exemple, le Groupe La Poste a récemment mené une analyse intéressante en comparant l’impact environnemental d’un flyer A5 distribué en boite aux lettres et d’une vidéo courte publiée sur les réseaux sociaux. Verdict : le papier est plus favorable que le numérique sur 15 indicateurs environnementaux sur 16.
Les 4 grands champs d’action :
L’édition :
- Travailler sur le choix des matières premières (labellisation du papier)
- Optimiser le format et le choix graphique
- Bien choisir son imprimeur (label Imprim’Vert, label ISO 14001…) et les encres
- Jouer sur la distribution et les délais de transport
- Encourager le don et le prêt
- Penser à la fin de vie (recyclage), donc éviter les pelliculages, vernis, dorures
Le numérique :
- Lutter contre le suréquipement (conserver son équipement le plus longtemps possible, prendre du matériel reconditionné…)
- Se focaliser sur les besoins réels du consommateur, dans le cadre du développement de nouveaux services ou produits (exemple de la nécessité de lancer de manière automatique une vidéo sur la page d’accueil de son site web)
- Réduire le poids des images, vidéos, newsletters, emails
- Proposer des contenus agréables à lire à l’écran pour éviter les impressions. Et si besoin d’impression, proposer des contenus adaptés à l’impression
- Être attentif au choix de l’hébergeur de son site web
- Refuser les techniques de diffusion controversées (ex : achat de faux comptes)
- Faciliter le contenu aux personnes en situation de handicap (ex : sous-titré les vidéos)
L’événementiel :
- Un enjeu doit être la réduction des déplacements. Et cela passe par le choix du lieu (accessible en transports en commun, avec possibilité de mettre en place un dispositif de mobilités douces : covoiturage, vélos, etc.)
- Utiliser un stand et du matériel éco-conçus
- Faire le choix d’une restauration plus durable : prestataires locaux avec produits de saison, plats végétariens…
- Faire une promotion cohérente avec sa communication : privilégier des goodies plus durables et conçus de manière plus responsable.
Audiovisuel :
- Être exemplaire au niveau du bureau de production : économies d’énergie, tri dans les bureaux
- Éco-concevoir les décors
- Bien choisir les maquillages et les costumes (privilégier la location)
- Agir sur la restauration
- Réduire les transports (choix des lieux de tournage) et des consommations d’énergie lors du tournage
- Optimiser la postproduction pour avoir des fichiers les plus légers possibles
Comment mettre en place une stratégie globale de communication responsable ?
Le maître-mot est la modestie : il faut s’inscrire dans une démarche de temps long et se placer dans une démarche d’amélioration continue afin de faire évoluer son dispositif et consolider chacune des actions.
Il n’existe pas de démarche unique qui serait le modèle. Il faut bien comprendre les attentes de l’ensemble des parties prenantes, s’interroger sur les actions prioritaires à mettre en place, définir un plan d’actions avec les bons indicateurs et associer les autres collaborateurs à cette démarche.
La communication responsable n’est pas un objet pour auto-glorifier l’entreprise. Afin d’éviter le greenwashing, il vaut mieux communiquer sur les actions et les résultats, plutôt que sur l’engagement.
Pour parler de communication responsable, il faut bien connaître le sujet et les enjeux, d’où l’importance de formations (sur la biodiversité par exemple). Il est important aussi d’informer, sensibiliser et outiller les autres collaborateurs et services (informatique, RH,…). Il faut aussi valoriser les personnes qui s’engagent pour donner envie de poursuivre dans cette voie.
Enfin, le fait de s’engager dans une démarche pour se faire labelliser peut être important pour témoigner de la sincérité de son engagement et faire accroître la confiance. La seule condition ? Il faut que ce soient des labels officiels (et non des labels auto-proclamés, comme certains ont pu fleurir dans les dernières années).
Pour en savoir plus :
- Guide de la communication responsable, ADEME, 2020
Rédaction : Florian Ghibaudo